Julie Dratwiak - Le Jardin des Oeuvriers

Le Nomade
« Rose, toi qui te dresses au milieu des vents comme une flamme fragile, dis-moi : qui est Dieu pour toi ? »

La Rose
« Dieu n’a pas de contour, Nomade.
Il n’est ni au-dessus, ni au-delà : il est la sève qui traverse ma tige, cette clarté qui m’ouvre à l’aube.
Il n’est pas un nom : il est l’espace entre mes pétales, le silence qui les tient ensemble. »

Le Nomade
« Mais les hommes bâtissent des murs et disent : “Voici Dieu.”
Ils écrivent des livres et jurent qu’Il y réside.
Est-ce donc mensonge ? »

La Rose
« Ce n’est pas mensonge, c’est oubli.
Dieu se laisse entrevoir dans une page comme dans une pierre, mais il ne se laisse pas enfermer.
Il est ce qui déborde toujours, ce qui échappe aux mains serrées.
Croire le contenir, c’est déjà l’avoir perdu. »

Le Nomade
« Et toi, Rose, comment sais-tu qu’Il existe ? »

La Rose
« Parce que je m’incline sans savoir pourquoi.
Parce que le vent me dépouille et que je fleurirai encore.
Parce que mon parfum ne m’appartient pas.
Dieu est l’invisible qui m’habite plus que moi-même.
Je n’ai pas besoin de preuve : je suis sa preuve. »

Le Nomade
« Et moi qui marche jusqu’à l’épuisement, Le verrai-je un jour, face à face ? »

La Rose
« Tu ne Le verras pas comme on voit une oasis à l’horizon.
Tu Le reconnaîtras comme on reconnaît une source dans la soif.
Dieu ne se tient pas au bout de ta route, Nomade :
il est le sable qui cède sous ton pas,
il est la fatigue de ton corps,
il est l’étoile qui veille quand tu dors.
Dieu est la marche en toi. »

1 month ago (edited) | [YT] | 359